En bateau, en voiture, à vélo, Olivier Le Naire, de L'Express, Jean-Jacques Dufayet, de Radio France Internationale, et le photographe Pierre René-Worms sont partis durant huit semaines à la
découverte des canaux, fleuves et rivières de France.
Trois hommes dans un bateau pour une aventure en huit épisodes qui, cette semaine, nous emmène de Sète à Châteauneuf-du-Pape, via Palavas-les-Flots, la Camargue, Aigues-Mortes, Arles et
Avignon
Ils racontent leur aventure.....
Destination Chateauneuf vendredi 17/07/09
Nous voici à Châteauneuf-du-Pape, dans un jardin entouré de vignes où, au bord de la piscine en pierre, nous accueille la famille Coulon presque au complet: le père, Paul, son épouse, Régine,
l'un de leurs fils, Daniel, et sa femme, Isabelle... qui donne le sein au dernier-né de la lignée, Justin. Sylvie Reboul, journaliste et fine connaisseuse des côtes-du-rhône, s'est jointe à nous.
Les Coulon habitent la région depuis le XVIIe siècle et y font du vin depuis sept générations. Pas étonnant que Paul, le patriarche, soit devenu une figure de Châteauneuf. Homme de caractère, au
beau visage grave, il a porté au plus haut son domaine de Beaurenard, l'un des meilleurs du cru. Il a aussi monté non loin, à Rasteau, où la famille possède également des vignes, un musée du
Vigneron, qui rassemble 2 000 outils liés à la viticulture.
Un bosseur, Paul, à en juger par les 30 volumes de son journal de vigneron: 600 pages chacun, en format A 3 relié cuir, résumant, chaque année, la récolte à Beaurenard. Journal de bord d'un
capitaine des vignes, les volumes sont bourrés de tableaux, de statistiques oenologiques. On y retrouve aussi l'évolution cadastrale du domaine et ses comptes, les variations quotidiennes de la
météo, les observations sur la récolte, les articles de presse... Cette radioscopie de la vie d'un grand domaine est une manière de transmettre le savoir, la mémoire, insiste Daniel, qui, avec
son frère, a pris la relève de Paul.
Daniel, lui aussi, nous a réservé une surprise: un plat de fines tranches de truffes, cueillies le matin même au pied du Ventoux. De belles truffes, fermes, odorantes, veinées de blanc. Des
merveilles! Isabelle a préparé des galettes de pâte sur lesquelles Daniel dispose une couche de truffes puis des copeaux de parmesan. Trois minutes dans le four à pain et le plat fumant atterrit
sur la table. Daniel sert un beaurenard blanc de 2006, idéal pour cette galette de roi. "C'est en partie grâce au Rhône qu'il fait bon vivre à Châteauneuf", note Sylvie en humant son verre. Le
fleuve, nous explique-t-elle, a roulé ici les galets qui parsèment les vignes. Il amène le mistral qui éloigne les maladies, préserve le raisin de la sécheresse, en favorisant la rosée. C'est du
Rhône aussi qu'est arrivé, avec les Romains, le savoir-faire viticole. Et par le Rhône, souvent, qu'ont été commercialisés les vins.
Tout en faisant griller des côtes d'agneau sur un lit de sarments, Daniel me raconte comment, depuis que son frère et lui ont repris le domaine, ils entendent respecter cet héritage tout en
évoluant. Ils ont élargi leur réseau de clients, laissé pousser l'herbe entre les vignes, pratiqué la culture biodynamique. Et montré qu'on peut être moderne en se souciant plus des cycles de la
Lune que des produits chimiques. Du baratin pour journaliste naïf? Franchement non. Même Isabelle, qui est magnétiseuse, cultive des plantes médicinales sous ses fenêtres. Le résultat de ces
convictions est là, flagrant, dans les bouteilles que Daniel nous fait déguster au long de la soirée. Une cuvée Beaurenard puissante, servie presque fraîche sur les côtes d'agneau, un
côtes-du-rhône villages Rasteau fruité et élégant, frais aussi, parfait sur les abricots et les pêches de la région.
La semaine prochaine, sur les canaux du Centre, les Bourguignons devront se donner du mal pour montrer qu'ils savent faire aussi bien. Mais c'est une autre histoire.