L'EXPRESS - HORS SERIE 2012
Daniel Coulon
D’Artagnan des vignes
Ferraillant pour l’authenticité de ses vins et le respect du terroir, il défend chaque jour, armé de son sécateur, l’honneur de Châteauneuf du Pape.
Avec sa ligne de sportif, sa fine moustache, son accent rocailleux, et Joyeux son cheval comtois, Daniel Coulon a des faux airs de mousquetaire. Un d’Artagnan des vignes qui, comme dans Vingt ans après (la suite des Trois Mousquetaires) , aurait pris de la bouteille, tout en gardant son goût intact pour l’aventure. Armé d’un sécateur et d’une pipette, guidant parfois Joyeux dans les rangs des vieilles vignes trop serrés pour être travaillées au tracteur, notre héros est aussi, à 51 ans, le fruit d’une lignée, d’un terroir. Un d’Artagnan, vous dis-je !
Dans la famille Coulon, cela fait sept génération que l’on produit, au domaine de Beaurenard, d’excellents vins Châteauneuf du Pape. Paul, le père, a passé la main à ses deux fils, Daniel et Frédéric, voilà un quart de siècle. Depuis, il se consacre à son musée de l’Outil installé à Rasteau, qui rassemble 2000 instruments traditionnels racontant l’histoire de la viticulture. En vieux capitaine des vignes, il tient aussi son journal : plus d’une trentaine de volumes, un par an d’environ 600 pages, relié cuir – où il témoigne de l’évolution du domaine. Et recense les comptes, la météo, les statistiques œnologiques et les articles de presse. L’art de la transmission.
Il utilise des orties pour soigner les vignes de manière naturelle et préventive.
Quand Daniel et Frédéric ont pris sa relève, le premier s’est consacré à la vigne, tandis que son cadet prenait en main le commercial et la gestion de leurs propriétés d’une soixantaine d’hectares – 30 à Châteauneuf du Pape et 30 à Rasteau. Amoureux de sa région qu’il arpente en VTT, fou de nature, Daniel s’est passionné dés les années 1990 pour la biodynamie. « Mon pére m’avait donné une formation cartésienne, confie t-il, et le milieu du bio lui semblait un peu sectaire.Il craignait aussi que je fasse des vins qui sentent trop l’écurie ! » Mais le fils s’entête. Il épluche les livres, sillonne l’Alsace ou la Champagne pour échanger son expérience avec d’autres viticulteurs. Plutôt que de traiter, il utilise des orties pour soigner les vignes de manière naturelle et préventive. Son travail est rythmé par les jours « feuille », « racine », « fruit » ou « fleur », en fonction de la position des planètes. Il s’éveille parfois à quatre heures pour aller répandre, au lever du soleil, des infusions d’herbes.
Si certains le trouvent gentiment allumé, Isabelle, sa nouvelle épouse, une kiné qui cultive ses plantes médicinales selon les mêmes principes, le soutient mordicus. Et bientôt, le résultat est là, visible, tangible. Dans les flacons. Vinifiés sans levure, ces vins ultra naturels élaborés à partir des fameux treize cépages de Châteauneuf – mais une majorité de grenache – sont éblouissants. Les 2009, blancs ou rouges, sont frais et longs en bouche, élégants, assez minéraux. Des vins à garder longtemps, qu’il s’agisse des Beaurenard ou des vieilles vignes (60 à 100 and d’âges) des cuvées spéciales « Boisrenard », conservées 18 mois en fûts. Et cela sans hausse de prix, malgré les surcoûts du bio. Un véritable petit miracle.
Dans les prochaines années, la nouveauté devrait cette fois venir de Victor et Antonin, les deux plus grands fils du Mousquetaire, qui vont à leur tour prendre du service. La huitième génération. Olivier LE NAIRE