Vin. Cette famille de viticulteurs, à Châteauneuf-du-Pape depuis sept générations, produit des vins aux fermentations longues issus de l'agriculture raisonnée.
Par Vincent NOCE
QUOTIDIEN : vendredi 27 avril 2007
Châteauneuf-du-Pape envoyé spécial
«Treize cépages». La famille se singularise d'un châteauneuf-du-pape blanc, que Jacques Dupont, critique du Point et l'un des meilleurs spécialistes de la question, cite en exemple pour la production d'excellents blancs le long du Rhône (lire ci-dessus). Comme en témoignent des ceps octogénaires aux branches torturées par le temps, et quelques bouteilles de 1929, ce n'est pas une nouveauté. Il n'est réalisé qu'avec des cépages blancs (il est toujours possible de donner un peu plus de corps au vin blanc en ajoutant un peu de cépages rouges, en évitant la coloration par les peaux). «Le choix du sol est primordial, seules certaines parcelles permettent de réussir cette adéquation», souligne Frédéric Coulon. Là, on n'est plus dans les gros galets, au contraire dans des terres plus légères, un peu sablonneuses, aux nuits plus fraîches et à l'ensoleillement plus tardif. Héritage de la tradition viticole instaurée par les papes, l'appellation des côtes-du-rhône permet d'assembler la plus grande variété de cépages, et les Coulon ne s'en privent pas puisqu'ils mêlent dans leur blanc entre 20 et 30 % de clairette, de bourboulenc, de roussane, de grenache blanc, sans compter quelques gouttes de picpoule et picardan. Les fermentations, autour de 18-20° C, et un élevage raccourci (cinq à six mois après vendange) sur lies fines permettent au vin de garder tout son fruit. Les Coulon ne sont pas partisans de ces blancs opulents aux arômes poussés en vinification.
Manuelles. En rouges, qui sont des grands vins, la taille du domaine et l'alternance des sols de cailloux avec des plateaux plus argileux leur permettent de jouer «la symphonie des treize cépages» autorisés. Les quatre grands cépages rouges sont grenache, syrah, mourvèdre et cinsault, mais pour réaliser sa gamme, le domaine joue de variétés plus rares, la counoise, le muscardin, le terret noir ou le vaccarèse. Le domaine compte 39 hectares dans l'appellation Châteauneuf, la plus noble, et 25 à Rasteau. Les vignes ont une moyenne d'âge de 35 à 45 ans. Selon les cas, les rendements vont de 25 à 45 hectolitres l'hectare (pour 4 500 pieds).
Les vignes sont soignées à demeure, chacun ayant à charge une parcelle dont il s'occupe à longueur d'année. Ce système hérité du Moyen Age, qui a encore cours à Yquem, donne un soin tout particulier à la vigne. On appelait ainsi une «journée» chaque lopin qu'on pouvait travailler dans ce temps.
Cela fait un siècle que le domaine met en bouteille ses propres vins et cinquante ans qu'il s'est converti à l'agriculture raisonnée. Il fut le premier à laisser l'herbe courir le long des vignes, pour contrecarrer l'érosion. Daniel aime bien voir filer cigales et coccinelles le long des ceps, et se développer les vers et micro-organismes qui oxygènent le sol. Les vendanges sont manuelles, chaque vendangeur porteur de deux seaux, pour éviter l'écrasement des raisins au fond des grands paniers. Elles sont tardives, pour obtenir la maturité dite «phénolique», les fermentations, longues pour dégager couleurs et tanins des vins rouges, mais Daniel Coulon se montre «défavorable aux grosses extractions» qui donnent des vins très concentrés. Certains vins sont élevés un an et demi, en petites cuves de chêne. Plusieurs ne sont pas filtrés, ce qui pour un critique comme Robert Parker est un atout essentiel. Les vins rouges sont à dominante de grenache, le cépage qui donne les plus beaux résultats dans cette région. Le Rasteau offre un excellent rapport qualité/prix pour un vin de caractère. Plus dense, mais dans le même style, la cuvée spéciale de Rasteau appelée les «Argiles bleues» en raison des sols de la parcelle, est une rareté. La cuvée de Beaurenard est un nectar issu de vignes qui ont jusqu'à cent ans d'âge, dont le rendement peut tomber à 15 hectolitres l'hectare. Dans ces vieilles vignes, plantées «en foule», se mélangent tous les cépages de l'appellation. Le vin n'est ni filtré, ni collé et vieillit dix-huit mois avant d'être encore conservé en bouteille dans la cave.
De 11 euros à 40 euros la bouteille. Domaine de Beaurenard, Paul Coulon & fils, 84231 Châteauneuf-du-Pape. 04 90 83 71 79. paul.coulon@beaurenard.fr www.beaurenard.fr