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1 septembre 2011 4 01 /09 /septembre /2011 12:59

 

 

 

LE PROGRES AGRICOLE ET VITICOLE

 

Revue de L'Académie de la Vigne et du Vin - France International

 

 

PAV1-copie-1.jpg

Chronique

  

  

Châteauneuf du Pape

La Figure de Proue du '"Rhône"!

   

 Professeur Alain CARBONNEAU

Montpellier SupAgro, Institut des Hautes Etudes de la Vigne et du Vin.

  

 

 

        Il est intéressant de revisiter des vignobles connus car il y a toujours quelque chose à y découvrir, tant est riche la diversité des terroirs et des crus. L'occasion m'a été don­née en jui1let 2011 de me replonger dans les vignes de Châteauneuf-du-Pape, en particulier au travers de la visite du domaine de Beaurenard conduit par la famille Coulon.

 

       Avant tout, quelques mots sur les vignerons, et notam­ment sur Paul Coulon que j'ai eu la chance de connaître grâce à mon col1ègue de l'INRA Philippe Abbal. Ce dernier est en train d'exploiter par modélisation statistique dans le cadre d'une thèse l'immense dossier des observations viti­coles et œnologiques que Paul Coulon a constitué au fil des ans avec minutie, constance et ambition, tant est grande la liste des variables mesurées qui vont de l'analyse des pétio­les aux notes de Parker. La richesse et la pertinence de ces informations vont certainement permettre un progrès dans la connaissance des facteurs de la qualité et des effets des ter­roirs sur la typidté des vins. Quel exemple pour la commu­nauté des vignerons! Si nous avions tous les mille hectares un vigneron comme Paul Coulon, quelle richesse viticole et œnologique aurions nous pu déjà analyser et comprendre!

     Pour revenir aux considérations plus strictement castel­papales, tout d'abord un commentaire sur les treize cépages de l'Appellation 'Châteauneuf-du-Pape'. Au-delà du symbolisme sans doute un peu forcé du chiffre 13, il est intéressant de noter 1a diversité reconnue par la tradition:

    - 8 cépages noirs: Grenache noir (dominant);  Syrah et Mourvèdre (complémentaires) ; Cinsault (appoint pour la finesse); Muscardin et Counoise (cépages locaux de longue date, peu cultivés mais intéressants à développer) ; Terret noir et Vaccarèse (cépages locaux de longue date, très peu cultivés et a priori peu  intéressants à développer).

 

  - 6 cépages blancs: Clairette (base d'assemblage et de la typicité) et Bourboulenc (base d'assemblage apportant la fraîcheur acide) : Grenache blanc (ici complémentaire et limité à 20%) ; Roussanne (de plus en plus utilisé pour élar­gir le complexe aromatique) : Piquepoul blanc (peu cultivé, mais pourrait être plus important) ; Picardan (anecdotique).

   L'arithmétique locale fait que 8+6 font 13 ! Evidem­ment, pour rétablir 1a vérité arithmétique, nous pouvons confondre dans une même entité Grenache noir et Grena­che blanc, même si leurs potentiels œnologiques ne sont pas comparables et leur différence va bien au-delà de la couleur de la peau. Toutefois et par ailleurs, certains font état de 1a  présence de deux autres grands cépage blancs rhodaniens, Viognier et Marsanne, ce qui ne ferait qu'aggraver le comp­te, puisqu'alors 8+8 (égalité parfaite entre noirs et blancs) feraient toujours officiellement 13! Faudrait-il y voir une réminiscence des indulgences papales qui tendaient à plafonner le nombre des fautes au maximum admissible pour l'entrée en purgatoire?

   Fi de ces digressions, constatons qu'une des grandes caractéristiques des Châteauneuf-du-Pape est la complexité, et que celle-ci est pour une bonne part le résultat d'un harmo­nieux assemblage des vins de ces cépages. Les grands vins rouges en sont même l'archétype au plan international. Mais deux remarques:

  - Les Châteauneuf-du-Pape blancs sont des modèles d'équilibre d'assemblage, de complexité, de maturité et aussi de fraîcheur. ce qui les place parmi les grands vins blancs du monde, alors qu'ils sont moins connus que les rouges.

 

   - Les cépages autochtones, du moins ceux dont on ne parle pas ailleurs, notamment Muscardin (figure 1) et Cou­noise, devraient sans doute être inclus dans des assemblages d'un nouveau type, ce qui permettrait de gagner en diversité dans le cadre de la tradition.

 

    La complexité est aussi le reflet des terroirs de base. Les mésoclimat semblent a priori assez semblables dans l'aire de l'appellation, et appartiennent à une classe de macroc1imats européens typiquement méditerranéens, les plus typiques en France avec certains endroits du Roussillon. Mais, et ce n'est pas suffisamment étudié, le Mistral imprime sa marque tout au long de l'année, et l'hétérogénéité des turbulences doit être particulièrement grande d'un site ou d'une parcelle à l'autre. En conséquence ce vent est probablement un facteur de diversité dans la réponse du raisin aux facteurs hydrique et thermique. 

 

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 Les sols contribuent de façon plus connue à cette diver­sité qui sous-tend la complexilé : terrasses à gros galets rou­lés du diluvium alpin, coteaux cai11outeux sur calcaire dur, sables dans la partie basse (ces derniers étant fina1ement les plus sensibles à la sécheresse en raison du décrochement de la nappe, et justifiant du reste la pratique de l'irrigation depuis le moyen âge). Deux remarques:

   

 - L'irrigation qualitative d'appoint au goutte-à-goutte peut être bénéfique dans certaines parcelles et les années les plus sèches, pour contrôler un niveau de contrainte hydrique modérée qui est la base de la qualité. Ceci est à réfléchir en liaison avec le changement c1imatique qui imprime à la région plus de chaleur et de sécheresse estivales.

 

 

 

   - Les célèbres galets de Châteauneuf-du-Pape avec leur effet de volant thermique nocturne, dont on ne voit pas bien d'ailleurs l'influence qualitative et qu'il ne faut pas confondre en tout cas avec celle sur la précocité, cachent en fait leur véritable effet: au-delà de la manifestation impressionnante de l'état de surface de ces terrasses, l'élément déterminant est sans doute la profondeur de 1a couche de galets et la nature du sous-sol, facteurs qui déterminent la morphologie raci­naire et le régime hydrique, les meilleurs sols autorisant un  enracinement profond dans un contexte de réserve hydrique limitée pour les horizons de surface

 

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 Figure 2 -  Gobelets traditionnels sur Grenache noir 

 

 

  La conduite du vignohle doit aussi être citée dans les facteurs explicatifs de la renommée des vignohles de Châ­teauneuf-du-Pape, avec le maintien des grands Gobelets ouverts ou 'Gobelets de Châfeauneuf' (figure 2). Le micro­climat des feuilles et des raisins de cette architecture y est souvent optimal. Une amélioration possible serait de planter un peu plus large à 3m entre rangs (figure 3) et de poursuivre jusqu'à l'installation d'une architecture en Lyre dont on pour­rait attendre plus de facilité de culture par rapport au Gobelet traditionnel, ceci en application de nos résultats expérimen­taux sur le domaine de Pech Rouge.

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Le vignoble de dans sa globalité se situe sur un pro­montoire unique dominant la course finale du Rhône vers la méditerranée (figure 4). Les voiles de ce navire-amiral de la viticulture mondiale sont gonflées par le Mistral qui imprime sa marque aux vignes qui s'égrènent le long du grand fleuve impétueux. C'est la figure de proue de la flottille des bateaux vignerons du Rhône, qui n'a en face de lui que l'immensité de l'espace marin ..

 

 

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 Figure 4 - Site de Châteauneuf du Pape donimant le Rhône avec la vision des trois grands types de sols

                                                                                     

  

 

 A.C.

 

 

 

  

 

 

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