Le magazine belge In Vino Veritas a publié dans son numéro d'Octobre/Novembre 2012
un article sur le Domaine de Beaurenard.
Une bouteille sous le bras, la cuvée Boisrenard, sa favorite, un sourire large aux lèvres, un pétillement espiègle au fond des yeux, il nous serre la main. Poignée franche et énergique qui lance la discussion, droite et sans détour, aux sonorités provençales. Moustache, fine barbiche, visage expressif, Daniel Coulon a la tournure d’un mousquetaire, en aurait-il le caractère ? «Un pour tous, tous pour un» serait alors la maxime de cet homme au profond sens familial? Converser avec lui, c’est parler avec la famille, avec Paul le père et ses deux fils, Daniel et Frédéric, ou encore avec Daniel et ses trois fils Victor, Antonin et Justin. La devise familiale coule de source et nous dit : «faites confiance à la tradition». Daniel s’ancre dans ces héritages légués par sept générations successives. Filiation qui lui permet de parler en véritable vigneron «indépendant», ses paroles résonnent comme liberté, créativité, humilité et générosité. Tant avec son frère qu’avec son père, il se définit comme un lien, un chainon, entre maintenant et ce qui est à venir. Ensemble, ils traduisent tradition et terroir en vin, jus limpide à la complexité future.
Paul Coulon, le père, en seigneur, a su concevoir un musée voué au vin, sis à Rasteau, ainsi qu’une légende évoquant l’âme du vin de Châteauneuf-du-Pape qu’il relate dans L’Âme du MuséeVigneron, un livre primé et édité –comme par hasard- chez Délicéo… J’ai pu les ausculter, ces opuscules reliés de cuir où pour chaque millésime, toutes les descriptions possibles, tous les paramètres sont consignés. Paul Coulon est à la fois vigneron, enseignant et chercheur passionné. Grâce à cela, l’avenir est pourvu de racines et le passé retrouve la vie. Il est un terroir pédagogique pour ses fils ! Daniel, dans sa jeunesse, réitérait déjà ses engagements familiaux. Il est clair qu’aujourd’hui cela lui permet d’exercer sa profession avec plaisir. Il semble même que pour lui, travailler signifie jouir de l’instant qui passe. Il faut plus qu’un jour têtu pour ne pas l’apercevoir à l’arrière du cheval griffer la marne bleue de la parcelle de Rasteau, accompagné au loin par la légèreté des Dentelles et la puissance du Ventoux. Il n’est pas exceptionnel de voir les Coulon, à l’attachante joie de vivre, servir lors des fêtes qu’organise Rhône Vignoble (dont ils sont membres) de superbes Châteauneuf vieux de plus de 50 ans.
Quand ancien et nouveau se réunissent, cela donne confiance aux jeunes comme aux plus âgés.Un Beaurenard ne perd jamais le contrôle… là toutefois, Régine, Laure et Isabelle (leurs conjointes), jouent chacune à leur manière un rôle discret, mais des plus importants.
BOISRENARD 2007 CHÂTEAUNEUF-DU-PAPE
Cap de velours grenat cramoisi, il déboule dans le verre comme chez lui. Quelques voltes d’habit et voilà toute la maturité du fruit qui vole à l’envi, apportant à qui en veut gourmandises et gâteries. Mais ce n’est là qu’une porte d’entrée, la pousser fait connaître l’origine de ces libéralités. La succulence de la bouche en donne l’indice, rapprochement du sol, des argiles qui donnent la saveur minérale et modèrent par la profusion d’épices, le fruit. D’autres vérités surgissent à la suite. Quand le vin, mis en confiance, parle sans a priori des vieilles vignes dont il a appris enseignements et ressenti. Elles lui ont montré comment débroussailler le chemin de la connaissance fine. Celle qui forge l’esprit, arrondit la bouche, muscle le corps, pour dès l’équilibre touché penser au legs qu’on laissera à son tour.
" On a eu un coup de coeur pour ce coteau dont personne ne voulait. Les vignes ont 80 ans et poussent dans les cailloux. Les Grenache y sont majoritaires, je m’occupe de leur maturité, les autres cépages complantés ne tardent guère, c’est souvent comme ça quand ils ne sont pas séparés. J’aime marcher entre les rangs pour me faire une idée de ce qui s’y passe. Je sens quand quelque chose ne va pas, s’il y a un souci. Quant au millésime, j’ai hésité entre 1990, mon premier Boisrenard, et 2007 qui vient après 27 années de boulot, vingt-sept vinifications. Je pense que notre goût évolue autant que notre maîtrise. Ce 2007 aurait pu s’articuler autour d’une puissance énorme, on a préféré partir sur un équilibre plutôt salé que sucré, pour le rendre plus élégant, on ne peut pas faire ça chaque fois."
Daniel n’a pas fait de stage à l’étranger, il est resté sur Châteauneuf, travaillant dans différents domaines de 1974 à 1980, ce qui a affiné sa perception des divers quartiers de l’appellation. "J’ai voyagé ensuite, mais je voyageais déjà à travers les bouteilles que mon père nous ouvrait."
Johan De Groef et Marc Vanhellemont
Beaurenard - Espacevin Pirard - http://www.beaurenard.fr/